La Chine serait-elle schizophrène ? Non, elle semble juste osciller entre deux époques : une Chine des campagnes, restée figée dans les années 50, et une Chine des villes, tournée vers le 21ème, voire le 22ème siècle.

La Chine est un immense chantier. La majorité des routes que nous avons suivies sont en train d'être doublées par une autoroute. De nouveaux quartiers d'habitations sortent de terre en périphérie de mégalopoles déjà immenses. Des quartiers anciens sont rasés au détriment d'une nouvelle rocade, qui, manque de circulation oblige, est prise d'assaut par les paysans qui y font sécher leur blé. Tout semble prêt pour accueillir les futurs citadins de ce pays émergent, dont les campagnes se vident chaque jour un peu plus. Les avenues des centres-villes aveuglent de néons criards, les grosses berlines y côtoient les 4 x 4 dernier cri, la jeunesse chinoise est au top de la mode, vestimentaire et électronique.

A quelques centaines de mètres de là, des quartiers plus anciens résistent : on y accède souvent par de petites ruelles, sans éclairage public ni goudron. Les voitures y sont remplacées par les vélos. Les eaux usées s'évacuent où elles peuvent, au milieu des tas d'ordures. Mais il semble y régner une ambiance de quartier.

La mixité semble se faire dans les parcs : les plus anciens y jouent aux cartes, font leurs séances de tai-chi,  nourrissent les pigeons avec leurs petits-enfants, ou s'exercent à la caligraphie. Les jeunes couples s'y retrouvent sur les bancs publics, écoutent de la musique le volume poussé à fond.  

Alors que la Chine prévoit la construction de dizaines de nouveaux aéroports à travers le pays, l'agriculture n'est absolument pas mécanisée dans certaines régions que nous avons traversées. Les champs fourmillent d'ouvriers, chapeaux de paille vissé sur la tête, accroupis au milieu de sillons désespérement longs. Lorsque la journée est terminée, ils accrochent leur bêche sur leur vélo, et rentrent chez eux, au milieu des convois de camions de marchandises. Les femmes font leur lessive dans les canaux d'irrigation, vendent leurs récoltes sur le bord des routes. Alors que la vie ne coûte rien ou presque (on mange souvent au restaurant pour 1 euro par personne), le prix d'accès aux sites culturels correspond à une nuit d'hôtel de luxe ! Quelle élite peut se le permettre ?

Comment ne pas se poser de questions lorsque l'on observe chaque jour ou presque des  4 x 4 de luxe hors de prix (Porsche Cayenne, Q7, etc.) doubler de vieilles femmes en habits traditionnels, courbées sous le poids de leur chargement de fourrage ?



Constat étrange de cette Chine à deux vitesses, mais pourrait-il en être autrement au pays du Ying et du Yang ??